La filière du lithium s’organise pour suivre la hausse de la demande globale de véhicules électriques
Selon Bloomberg qui cite les résultats d’une étude menée par l’institut Benchmark Mineral Intelligence, l’industrie globale du lithium nécessiterait des investissements lourds (42 milliards de dollars) pour suivre la progression de la demande sur les marchés des véhicules électriques d’ici 2030.
Le rapport souligne que le secteur aurait besoin d’un investissement annuel de 7 milliards de dollars d’ici 2028, afin de répondre à une prévision de demande globale en lithium de 2.4 millions de tonnes par an d’ici 2030, soit quatre fois plus que la production actuelle (600.000 tonnes).
«La demande en lithium devrait augmenter de plus de 200% au cours des cinq prochaines années, passant de 300.000 mégatonnes en 2020 à 1 million en 2025,», explique un analyste. «D’ici 2030, la demande pourrait atteindre 2 millions de mégatonnes.»
Auparavant atone (avant 2020), le marché du lithium est actuellement en surchauffe, tiré par un phénomène de pénurie, qui joue sur son prix : celui-ci a explosé – ses prix ont bondi de 69% depuis Mai 2021 – et alors qu’il y a quatre ans, la filière était en surproduction, de nouvelles problématiques se posent désormais, dont la plus centrale : comment augmenter les capacités d’extraction du métal pour accompagner la future demande exponentielle de véhicules électriques? Comment suivre les nombreux projets d’ouverture d’usines de batteries et atteindre les objectifs de zéro émission?
«Développer des batteries électriques sans sécuriser nos besoins en lithium, en nickel, en cobalt, n’est pas soutenable dans la durée, nous sommes dépendants de pays tiers qui concentrent l’ensemble de la production et du raffinage», déclarait lors d’une conférence en Janvier dernier Agnès Pannier-Runacher, ministre française en charge de l’Industrie.
Selon une étude de ResearchAndMarkets, le marché global du minage du lithium, métal nécessaire à la production des batteries de VE, devrait connaître une forte expansion d’ici 2025 (26% de taux de croissance annuel moyen), et la valorisation de ce marché devrait atteindre 1 milliard de dollars d’ici cette date.
Mais alors que l’Europe et les États-Unis veulent casser leur dépendance à la Chine, un pays qui a développé un écosystème en pieuvre autour des batteries lithium, créer de nouveaux points d’approvisionnement ne semble pas si simple selon les experts.
Benchmark explique dans son rapport que la stratégie américaine et européenne consistant à se détourner des fournisseurs chinois nécessiterait deux fois plus de capital que continuer à importer des produits tech provenant d’Asie.
Les réserves sont abondantes à travers la planète (plus de 15 millions de mégatonnes de dépôt sont actuellement disponibles sous forme d’extraction), en particulier en Amérique, en Australie, ainsi qu’en Chine; l’Australie et la Chine étant les principaux producteurs (plus de 60% de la production mondiale en 2019).
Selon le rapport de Benchmark : «Les plus importants producteurs de lithium prévoient des investissements conséquents, mais ça reste insuffisant et ils ont besoin de nouvelles mines.»
Mais casser la dépendance à la Chine en ouvrant de nouvelles mines – et suivre l’explosion de la demande – nécessite des moyens (assez) lourds, de long terme et appuyés par l’investissement public : les États-Unis (qui produisent moins de 2% de la production globale), ont ainsi mis en place toute une série de projets sur son territoire dans les domaines du minage et de l’extraction dans plusieurs états comme le Maine, la Caroline du Nord, la Californie ou le Nevada.
«Une source intérieure a une valeur immense. On pourra alors faire des choses que seuls les Chinois font avec cette production,», pointe un spécialiste américain.
L’Europe aussi n’est pas en reste; quatre projets d’extraction minière sont prévus d’ici 2024, qui permettront de couvrir 80% des besoins pour la production de batteries.
Selon le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), les principaux gisements européens se situent en Serbie, au Portugal, en Allemagne, en République tchèque, mais aussi en France sous forme minérale dans le Massif Central et Armoricain, et sous forme géothermale en Alsace.
Mais le lithium, devenu un métal stratégique, suscite désormais l’intérêt des constructeurs automobiles, qui voient dans ce type d’investissement une manière bien pratique de sécuriser leurs supply chains face à la concurrence.
En 2019 déjà, le premier projet de mine de lithium sur le territoire européen prévoyait d’inclure des constructeurs automobiles parmi ses actionnaires pour bâtir une supply chain durable.
Aujourd’hui, de nombreux partenariats existent entre des firmes automobiles et des groupes miniers, créant un écosystème d’un genre nouveau, sans intermédiaire réel.
Selon un analyste de Benchmark : «Les constructeurs automobiles ont plusieurs raisons d’investir. Contrairement aux investisseurs, ils ne sont pas juste à la recherche d’un retour sur investissement généré par le lithium. Ils cherchent à sécuriser l’approvisionnement pour leurs batteries.»
«Les constructeurs automobiles sourcent désormais directement leurs matières premières à partir des mines,», souligne un autre analyste.
Cet empressement, de la part des institutionnels et des industriels à assurer l’ajustement de l’approvisionnement en lithium traduit surtout l’urgence d’accompagner une demande inéluctable, et des objectifs de production serrés.
13 projets de centres de production de batteries sont prévus aux États-Unis d’ici 2025, et alors que la production à venir devrait tripler la demande en lithium, les fournisseurs du métal convoité auront peu de chances d’être capables de répondre à la demande selon les experts.
Selon Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley, un écart de plus en plus grand commence à se créer entre l’approvisionnement faisable en métaux pour batteries lithium, et les objectifs de production (trop?) ambitieux du secteur automobile dans le domaine des véhicules électriques.
Selon Adam Jonas, sur les 1 millions d’unité prévus par GM en Amérique du Nord, seuls 300.000 seront produits, pour Ford sur un objectif de 2 millions d’unités d’ici 2026, 500.000 sortiront d’usine.
Source : Bloomberg
Sources citations : https://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/transition-energetique-va-t-on-ouvrir-des-mines-de-lithium-en-europe/
https://www.pbs.org/newshour/economy/u-s-seeks-new-lithium-sources-as-demand-for-clean-energy-grows
Crédit photo : Tom Hegen