Le gouvernement japonais veut mettre un terme à la guerre des brevets entre les constructeurs de véhicules autonomes et les géants tech
Le gouvernement japonais devrait prochainement émettre un ensemble de recommandations destinées aux entreprises locales spécialisées dans la conduite autonome.
Le Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie japonais a en effet annoncé jeudi dernier la mise en œuvre d’un processus en quatre étapes qui permettra aux entreprises de négocier des «droits de brevet».
Le Japon fait figure de pionnier mondial dans le développement des technologies de conduite autonome; en 2016 déjà, le géant de l’automobile Nissan annonçait son intention de se lancer dans la course au véhicule autonome, face aux rares concurrents prêts à s’aventurer à ce qui était considéré alors comme un marché fraîchement disruptif.
Depuis de nombreuses start ups locales ont essaimé sur cet espace, vite rejointes par les constructeurs traditionnels comme Mazda, Toyota, et des marques premium comme Lexus qui possèdent chacun des programmes dédiés au développement et à la recherche dans ce domaine.
Selon une étude de ResearchAndMarkets, le marché des véhicules autonomes se porte plutôt bien au Japon, en partie grâce aux efforts soutenus en matière d’innovation par l’écosystème automobile japonais, et à l’adaptation de la législation locale.

Il faut dire que les enjeux sont bien réels; le pays connaît un fort vieillissement de sa population et dans ce contexte, les véhicules autonomes se révèlent essentiels pour garantir l’autonomie des populations âgées, notamment en zone rurale. Le gouvernement japonais a appuyé de nombreuses initiatives en ce sens et visant à promouvoir le développement des véhicules autonomes dans le pays.
La solidité du tissus économique automobile local ainsi que les besoins identifiés créent un marché concurrentiel où la course à l’innovation fait rage. La technologie avancée pour la conduite autonome devrait atteindre un stade de maturité d’ici 2025, avec le lancement de premiers véhicules commerciaux selon ResearchAndMarkets.
Sur le marché mondial des brevets, le Japon fait la course en tête aux côtés des États-Unis; ainsi 15 des 50 propriétaires de brevets avancés dans le domaine de la conduite autonome sont japonais, juste derrière les États-Unis, qui en possède 17. Selon Statista, Toyota est le constructeur automobile qui possède le plus de brevets de technologies avancées au Japon (683).
Cette course à l’innovation et l’intérêt accru des constructeurs pour la conduite autonome, ne se fait vraisemblablement pas sans heurt ; le marché des véhicules autonomes est devenu un terrain de concurrence global où la protection des brevets (fruits de milliards de dollars d’investissement en R&D en technologies avancées), est devenue un sujet crucial.
L’écosystème entier semble concerné; en Février dernier un groupe de 48 entreprises de télécoms dont le japonais NTT, ont exigé des droits de brevets auprès des constructeurs Toyota, Honda et Nissan, pour leurs composants utilisés dans leurs modèles de voitures intelligentes.
Les actions en justice sont courantes au sein de l’industrie automobile globale, y compris au Japon. Les géants tech mondiaux, comme Apple, Nokia ou Google eux aussi bien positionnés dans la course au véhicule autonome, s’écharpent régulièrement dans les tribunaux pour régler leurs litiges de propriété intellectuelle.
Ainsi en Juin dernier, l’affrontement devant les tribunaux entre le géant tech Nokia et le groupe automobile Daimler au sujet de brevets de conduite autonome, s’est finalement soldé par un accord à l’amiable. Celui-ci prévoit le paiement par Daimler de droits de brevet pour la firme finlandaise.
Les géants tech veulent désormais obliger les constructeurs automobiles à payer des royalties pour l’usage de leurs technologies utilisées dans les véhicules connectés via les systèmes de navigation, de communication ainsi que pour les véhicules autonomes. Les constructeurs de leur côté se défendent en expliquant que ce sont les fournisseurs qui devraient mettre la main à la poche, réduisant alors les droits pour les détenteurs de brevets.
Bien que très hétérogène, la question du règlement de litiges tend à s’harmoniser vers un système de droits de brevets qui devrait permettre aux différents opérateurs de l’écosystème de technologies avancées pour l’automobile, de continuer d’apporter des débouchés commerciaux à l’innovation et se partager ainsi le gâteau de bénéfices plus équitablement.
Il semblerait que ce soit cette voie qui soit privilégiée par le gouvernement japonais. Le droit en matière de propriété intellectuelle au Japon est généralement stricte. Selon le site du gouvernement australien qui a publié une note sur le sujet à l’attention de ses ressortissants souhaitant investir ou entreprendre au Japon : « prévenir et légiférer en matière d’infraction sur le droit de propriété intellectuelle et de contrefaçon est une question de politique nationale. Des infrastructures significatives ont été mises en place afin de permettre aux agences gouvernementales, aux entreprises ainsi qu’au public de travailler ensemble pour réussir à faire appliquer les lois.»
C’est donc une approche différente qui semble s’amorcer de façon prudente avec la proposition de ce guide de résolution des litiges proposé par le gouvernement japonais, davantage orienté vers un paiement de taxe plutôt que par un jugement d’application. Privilégier la négociation et l’arbitrage ouvrent de nouvelles portes en matière de droit de propriété intellectuelle dans le domaine des technologies avancées, mais c’est surtout le fruit d’une jurisprudence implicite.
Selon un juriste local spécialisé dans les litiges internationaux relatifs à la propriété intellectuelle : «En proposant une approche différente autre que la procédure judiciaire ou l’intervention des autorités en charge de la concurrence, il existera davantage d’options pour résoudre les conflits.»
Source citation : https://www.mondaq.com/patent/739440/autonomous-driving-patents-rated-american-and-japanese-top-competitors
Crédit photo : Viaframe (opens in a new window) / Getty Images