L’Orchestration de paiements, la nouvelle tendance fintech
Avec le boom du e-commerce, les commerçants en ligne voient leur activité et leurs ventes progresser régulièrement. Pour optimiser les taux de conversion, les vendeurs font de plus en appel à un pool de prestataires multiples pour leurs stacks de paiement afin de réduire leurs coûts et améliorer les processus de lutte contre la fraude.
Selon des données récentes, plus de 60% des e-commerçants déclarent préférer faire appel à de multiples prestataires de paiement pour leurs opérations.
C’est là qu’entre en scène l’orchestration de paiements; aujourd’hui, la croissance d’un e-commerce dépend principalement de sa capacité à améliorer l’expérience client sur son site et scaler l’activité rapidement. Dans ce contexte de plus en plus de e-commerces font appel à des services d’orchestration pour simplifier les processus de leur architecture de paiement.
Les starts ups fintechs globales commencent timidement à investir l’espace de l’orchestration de paiements, et emmènent dans leur sillage la scène VC globale qui investit dans une tendance sûre, celle de l’expérience de paiement en ligne, amenée à devenir un avantage compétitif de taille pour les plateformes de e-commerce dans les années à venir.
On fait le point pour comprendre les enjeux de cette nouvelle tendance, découvrir les start ups spécialisées dans l’écosystème fintech et les types de services proposés, avec l’analyse et les données fournies par Dealroom.
Donner de la visibilité au stack de paiement de plus en plus complexe des e-commerçants
L’univers des paiements est devenu de plus en plus complexe à gérer pour les commerçants en ligne et les marketplaces. Les paiements constituent pourtant une étape essentielle du parcours et de l’expérience client en ligne, et avoir un processus de conversion à la fois fluide, omnicanal et uniforme est essentiel. Les acheteurs en ligne veulent pouvoir avoir accès à de multiples méthodes de paiement. À cela s’ajoute pour le vendeur en ligne la nécessité de prendre en compte les spécificités en matière de paiement de chaque marché local s’il veut pouvoir scaler et se développer à l’international.

Pour répondre aux besoins backend nouveaux des e-commerçants en matière de paiement, de nombreuses start ups se sont lancées dans le nouvel espace de l’orchestration de paiements. Leur but est de permettre aux e-commerçants la gérer la complexité croissante de leur stack de paiement.
«Au cours des vingt dernières années, le rythme des solutions de paiement nouvelles arrivées sur le marché a été accéléré de manière considérable pour répondre à la demande globale de consommateurs pour des tendances comme les paiements sur mobile, les portefeuilles digitaux, la validation de paiement en un clic, le Buy Now Pay Later, etc.,», explique Roy Luo, associé chez ICONIQ Growth. «Cependant, aucune de ces solutions de paiement ne permet de s’adapter à tous les changements et innovations qui obligent les e-commerçants à être à jour. Donc, pour les équipes technique et en charge des paiements d’une entreprise de e-commerce, cette dynamique entraîne une complexité technique immense consistant à relier ensemble de multiples méthodes de paiement, de passerelles, de détection de fraude, et davantage.»
«Au cours des vingt dernières années, le rythme des solutions de paiement nouvelles arrivées sur le marché a été accéléré de manière considérable pour répondre à la demande globale de consommateurs»
Concrètement, les systèmes d’orchestration de paiements permettent de simplifier et alléger ces processus complexes en matière d’intégration et de gestion du vendeur de son pool de prestataires de services de paiement (PSP). Pour ce faire, ces systèmes mettent en place des processus de «smart routine » (routage intelligent) destinés à améliorer le taux de succès des transactions et la conversion de vente, plutôt que les traitements ou encaissements de paiement.
L’objectif est triple : améliorer le taux de conversion, mieux lutter contre les fraudes, et diminuer les coûts. Selon la start up fintech Skaleet, ce nouveau service répond à un besoin plus global. Le marché du e-commerce affiche une croissante à la fois forte et continue, mais la concurrence y est toujours plus forte. Cette tendance pousse les vendeurs à scaler rapidement sur le marché international et à rechercher des solutions qui leur permettront de mieux remplir leurs objectifs de rentabilité dans cet environnement serré.
Selon la fintech Skaleet : «Face à cette complexité croissante liée à la gestion des paiements à travers les zones géographiques, les différents canaux de vente ou encore l’ensemble des cas d’usage existants, les commerçants sont à la recherche de solutions pour adapter leur infrastructure de paiement, accompagner leur croissance tout en continuant à offrir de meilleures expériences client…Sans frictions.»
Une évolution du modèle des services de paiement
L’orchestration de paiements peut être considérée comme le troisième modèle dans l’espace de l’automatisation de paiement, qui vient après les fournisseurs full-stack spécialisés dans la collecte de paiement (PSPs collecting) et les fournisseurs techniques (PSPs techniques).
La collecte de paiement («collecting») est actuellement le modèle dominant dans le e-commerce, avec des leaders comme Stripe ou Adyen. Les prestataires de services comme Stripe ont notamment permis aux e-commerçants d’évoluer vers le modèle du «One To Shop», qui leur permet de passer par un seul fournisseur de paiement pour la gestion de leur backend.
L’intégration de ce type de services demeure néanmoins complexe à mettre en œuvre pour les entreprises.

Paul Anthony, cofondateur et CEO de la start up londonienne Primer (Crédit photo : DR)
Mettre en place ce type d’infrastructure se révèle complexe plus particulièrement pour les vendeurs qui se développent à l’international, en raison de la complexité des procédures de paiement à mettre en œuvre selon la zone géographique à desservir. Dans ce type de cas, faire appel aux PSPs (Payment Service Providers) classiques comme Stripe n’est pas suffisant pour les e-commerçants, qui font face à des coûts élevés lors de l’intégration de nouveaux prestataires auxquels ils sont obligés de faire appel pour gérer les problématiques de paiement locales de chaque zone. À cela s’ajoute des difficultés générales pour les e-commerçants comme s’adapter à un nouveau marché, optimiser les processus de collecte de données ou détecter les fraudes.
«Les écosystèmes toujours plus complexes que les e-commerçants doivent gérer, y compris le recours à plusieurs prestataires de paiement, à des portefeuilles digitaux ou des plateformes de données et de fraude, sans compter les outils de KYC (Know Your Customer) et les plateformes de fidélisation; tout cela constitue en fait un défi énorme pour les entreprises,», commente Paul Anthony, cofondateur et CEO de la start up fintech Primer.
«tout cela constitue en fait un défi énorme pour les entreprises»
Le second modèle de PSPs s’est donc adapté à l’évolution du e-commerce et des besoins des vendeurs en matière de services de paiement; de ce modèle a en effet émergé l’espace de l’orchestration de paiements, qui fournit un point d’accès unique permettant l’agrégation de différents PSPs ainsi que leur intégration, mais aussi la connexion avec les fournisseurs de services tiers.

Le principe de l’orchestration repose sur le «smart routing» (routage intelligent), procédure développée afin d’optimiser les performances des processus de paiement en diminuant le nombre d’échecs de transaction. Les fournisseurs de service spécialisés viennent donc «orchestrer» via ce processus de smart routing l’activité des systèmes des différents prestataires de paiement du vendeur, permettant à ce dernier de mieux contrôler ses opérations tout en optimisant son stack. En plus d’être efficace, l’orchestration apporte de la flexibilité au vendeur qui peut faire appel à de nouveaux prestataires pour ses processus de paiement sur un nouveau marché, sans avoir à se soucier de la problématique de paiement lorsqu’il commence à se développer à l’international et à s’implanter sur de nouvelles zones géographiques globales.
«Quand vous commencez à intégrer différentes méthodes de paiement, différentes passerelles de paiement, la manière dont vous souhaitez passer de la collecte du paiement au versement devient quelque chose de très, très complexe. J’ai fait ça pendant dix ans lorsque j’étais patron de plusieurs entreprises qui devaient à la fois accepter, collecter et verser les paiements,», explique Kirk Donohoe, le CEO de WhenThen, une fintech spécialisée dans l’orchestration.
«Quand vous commencez à intégrer différentes méthodes de paiement, différentes passerelles de paiement, la manière dont vous souhaitez passer de la collecte du paiement au versement devient quelque chose de très, très complexe»
En plus de la flexibilité apportée au vendeur, cette solution s’avère également efficace pour maximiser les taux de conversion, réduire le risque de gestion et détecter les fraudes.
Mais avoir recours à une solution d’orchestration de paiements permet surtout au vendeur d’avoir accès à un système de données centralisé, en raison de l’agrégation de données des différents fournisseurs de services nécessairement induite par les décisions diverses en matière de risque, de réconciliation automatique, de gestion de trésorerie, etc..
Ces optimisations apportées par les solutions d’orchestration permettent aux start ups fintechs d’apporter plus de services — et de valeur ajoutée — aux vendeurs, et d’accompagner de cette manière le boom du e-commerce qui devrait continuer de croître de manière exponentielle dans les années à venir.
L’orchestration de paiements, un écosystème en phase de décollage
Le paiement est certes le segment qui connaît le plus de succès dans l’écosystème fintech, avec un grand nombre de licornes comme le pionnier Paypal mais aussi Stripe ou Klarna. L’orchestration reste néanmoins un segment confidentiel et récent de la fintech globale; les investisseurs ne se bousculent pas sur ce marché et les tours de table, bien que conséquents, restent ponctuels. La majeure partie des fonds de tours de table sur ce segment ont été levés par une poignée de start ups comme Payoneer et Very Good Security, qui ne sont par ailleurs pas spécialisées uniquement dans l’orchestration.
Ce segment n’en n’est pour l’instant qu’à ses débuts, mais le modèle de l’orchestration devrait gagner en puissance à mesure que les écosystèmes se développent et se complexifient.
Dealroom a recensé 30 fournisseurs de services d’orchestration de paiements. Bien que confidentiel, ce segment comporte différents types de services. Certaines start ups proposent des solutions clé en main, et d’autres en libre service.
Les fournisseurs de solutions clé en main comme les start ups Spreedly (75 millions de dollars levés en 2019) ou Payoneer (180 millions d’euros levés en 2016), proposent un middleware d’orchestration qui vient s’imbriquer entre le e-commerçant, les fournisseurs de services et les passerelles. Habituellement, ces start ups collaborent avec des partenaires externes, ce qui ne fait pas correspondre le processus de routing des paiements à 100% avec les choix du client, mais garantit une intégration fluide. Pour le client, ce type de solution entraîne néanmoins une dépendance au fournisseur de service, en raison de la difficulté en cas de migration de l’ensemble du système selon les délais prévus par le client. Mais ce type de solution présente l’avantage de permettre au vendeur de démarrer à peu de frais, sans aucun effort de son côté. Spreedly propose par exemple plus de 120 passerelles à travers le monde et fournit une orchestration opérationnelle dans un délai de 2 à 4 semaines.
Pour les start ups spécialisées dans les solutions de libre-service, l’approche est différente et consiste à laisser le client bâtir lui-même l’architecture qui convient le mieux à ses objectifs en matière de scaling et d’expérience client. Cette solution s’avère beaucoup plus coûteuse et chronophage au début et exige d’être un minimum autodidacte, mais apporte une flexibilité inégalée et réduit les coûts sur le long terme. Des start ups comme Primer (425 millions de dollars de valorisation) ou WhenThen (6 millions de dollars levés en Juillet 2021) proposent ce type de solution qui permet aux e-commerçants de bâtir une solution en interne pour gérer leur stack de paiement.
«De plus en plus d’entreprises développent leur activité en ligne, et les commerçants doivent jongler entre plusieurs business models en même temps comme l’approvisionnement, les abonnements, la marketplace, etc.. Aucune plateforme ne permet à ces entreprises de faciliter la création et la gestion de flux de paiement multiples permettant de prendre en charge plusieurs business models sur un seul et même endroit, et c’est là qu’on entre en scène,», commente Kirk Donohoe, le CEO de WhenThen. «On devait bâtir à la base des flux de paiement très complexes pour des e-commerces, des compagnies aériennes, des hôtels, et on trouvait ça vraiment ridicule de refaire les mêmes opérations encore et encore. On a alors décidé de développer WhenThen pour permettre à nos clients de bâtir ces flows en quelques minutes seulement.»
«De plus en plus d’entreprises développent leur activité en ligne, et les commerçants doivent jongler entre plusieurs business models en même temps comme l’approvisionnement, les abonnements, la marketplace»
Mais entre ces deux méthodologies, des solutions intermédiaires existent comme la solution de la start up allemande Trimplement, un «portefeuille central» développé à partir d’une plateforme logicielle basée sur des APIs. Trimplement propose entre autres des solutions de gestion de compte virtuel, de portefeuille digital et de paiements, qui permettent à ses clients de bâtir grâce à des fonctionnalités simples, leur propre orchestration qui vient en plus s’ajouter à leur architecture existante.
Source : Dealroom.co
Sources citations : https://signal2forex.com/fr/2020/08/29/orchestration-platforms-to-ease-payments-complexity/